lundi 12 octobre 2009

La pleine lune en plein jour







J'ai passé tout un après-midi dans les hauteurs. De temps à autre, il y avait ces petits coups de pieds pour me rappeler que nous n'étions pas que deux à guetter l'éclaircie entre les nuages; un bébé de huit mois s'agitait dans l'ombre et sa présence illuminait les yeux de mon amie de l'intérieur, comme une lampe de poche sous une couverture. J'étais excitée comme une gamine, exaltée depuis des jours par la perspective de ce shooting. Je voulais lui offrir des images capiteuses, sensibles, éclairées, des images uniques de ces moments qui précèdent la naissance, quand le corps est à son apogée. Je voulais lui offrir des images de sa féminité radieuse, de sa peau mouvante et de cette vie cloisonnée entre ses hanches. J'étais nerveuse, je suppliais les rayons et la muse inspiratrice, je tordais mon regard et ma fibre créatrice dans tous les sens. J'avais chaud. J'avais peur.

De temps à autre, je posais ma main sur son ventre. Je déplaçais un tissu, tournais sa tête, je lui faisais mettre des bottes à talons, une camisole décolletée, un foulard vaporeux, je la plaçais devant une fenêtre, assise par terre dans la cuisine, perchée sur un tabouret, étendue sur le tapis, le divan; elle montait les escaliers, disparaissait dans son garde-robe géant, passait à la salle de bain, attachait et détachait ses cheveux, se concentrait sur son regard et ce pli entre les yeux. Elle éclatait de rire pendant que je sautillais sur place en faisant des yahou ou elle me jetait un regard anxieux alors que je me mordais les lèvres en regardant les derniers clichés.

En partant de chez elle, il neigeait à plein ciel. De gros flocons inattendus qui me faisaient prendre les courbes de Charlevoix avec la lenteur d'une conductrice du dimanche. Je ne voyais rien et je craignais que mes pneus d'été ne tiennent pas la route. Je souriais pourtant toute seule au volant, la caméra posée sur le siège passager. Les images étaient dans la boîte, et notre relation nimbée d'un halo nouveau.