samedi 26 avril 2008

Se délivrer

Elle a décidé de laisser le silence s'installer entre elle et lui. Il prenait toujours ses mots à l'inverse, il les attrapait et les enroulait autour de ses poings pour mieux les lui relancer au visage, et ces attaques, qui ressemblaient à un tir de fusil de plomb, la laissait toujours couverte de bleus. Elle enflait sans oser exploser à son tour et ses soupirs prenaient une place de trop; elle ne savait plus être elle-même. Elle avait l'impression d'être en lutte constante contre une force qu'elle ne maîtrisait pas.

Ses larmes se solidifiaient pour former autour d'elle des barreaux si serrés qu'elle ne pouvait même pas glisser son petit doigt dans les interstices. Elle n'était pas seulement triste, elle était aussi en colère, et cette rage vivante, profonde et douloureuse lui a donné l'audace d'éclater la peur.

Elle a déversé tous les mots qu'il avait toujours refusés sur de grandes feuilles blanches, en courtes phrases saccadées, la main tremblante et le coeur comprimé; elle a gribouillé pendant des heures en tapant nerveusement du pied sans faire de ratures, sans hésiter. Elle a ainsi noirci dix pages au feutre noir. Dix pages de mots incisifs et définitifs qu'elle a arraché un à un au silence et à la douleur. À la fin de la dernière phrase, elle a simplement posé le crayon sur la table à côté de la lettre, s'est levée, a pris son sac, puis elle est partie. Sous ses lunettes fumées, elle pleurait de soulagement. Elle pleurait toujours lorsqu'elle est arrivée chez moi.

Il aura beau tempêter, elle ne l'entendra plus.

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