vendredi 25 octobre 2013

Dans une cabine, à Pointe-aux-Pères

C'est une cabine campée sur une dune à dix mètres du fleuve. Les herbes sèches sont battues par le vent et les rouleaux laissent une traînée de mousse crépitante sur les galets gelés. On ne voit pas la rive opposée, happée par le plafond bas des nuages noircis par une pluie qui s'éclate au large. Ils poussent la porte, excités comme des adultères en perdition. Il ressemble au fils de Gengis Khan. Elle a tout d'une bohémienne rousse. Entre son sang berbère et celui bouillonnant des ancêtres irlandais qui ont combattus sur tous les champs, il ne reste de l'espace que pour une tendresse mue par la passion. Il referme la porte du talon et ses mains arrachent l'écharpe de laine turquoise, le bonnet tibétain et les lunettes qui lui donnent cet air sérieux qui détonne avec ce qu'elle est vraiment. Elle s'attaque à ses lèvres dessinées comme un ourlet et mordille la barbe naissante. Un feu brûle déjà dans la truie. Le chalet sent l'humidité et le sel, comme celui qu'elle goûte sur la peau de son cou. Elle se perd dans l'odeur que renferme son gilet de laine trop grand et elle se sent transportée de l'intérieur en même temps qu'il la soulève pour la déposer sur le lit. Elle tangue. Il ne pense à rien d'autre qu'à ce corps qu'il peut dénuder entre deux rafales. Il dirige ses gestes au même rythme que les vagues qui grondent derrière la porte, il guette sa respiration, il la boit et il dévore autant la texture de ses seins que la brûlure de son regard, qui le capture et le délivre.

C'est une nuit sans lune sur un rivage battu, des heures bleues qui suintent en laissant des traces rondes sur les oreillers, des égratignures sur les mollets et des cernes luisants sur la peau tendue de leur ventre. Les mots ne sont pas nécessaires, ils s'inscrivent à l'encre invisible dans la chaleur de leurs corps enroulés, de ses bras refermés, derrière son genou et dans les boucles répandues sur son torse. Le silence sert de refuge à ce qui est inutile, aux pensées inconsistantes qui s'évadent et à tout ce qui pourrait les retenir de s'aimer. Le vin rouge parfume leurs lèvres et ils rient en roulant dans les miettes de pain qui rendent les draps piquants. Elle ouvre les rideaux et danse nue devant la fenêtre, une veilleuse en forme de coquillage nacré découpe son corps contre la mer et il se sent transporté en la regardant, les bras relevés derrière la nuque, les yeux plissés d'un désir qui ne le quitte pas. Il n'y a plus d'âge, plus de temps, plus de distance ni de retenue. Il se lève pour danser avec elle, l'aurore naît au bout de la pointe. Le vent souffle toujours et entre eux, un sentiment naît.

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