lundi 23 février 2009

Équidistance

Tes silences sont des bouts de ficelles colorées que je pique sur un canevas, tu sais, comme ce jeu dont j'étais friande enfant. La voisine nous donnait des écheveaux bicolores qu'on démêlait en riant, ma soeur et moi, qu'on enfilait en fermant un oeil sur de longues aiguilles en plastique jaune. On en faisait des tableaux sur lesquels on passait les mains pour sentir la mousse des filaments moutonner à la surface. Je refais souvent le même geste sur ton front pour tenter de toucher ce que tu ne dis pas.

En fermant les yeux, je fais faussement l'aveugle pour mieux tâter l'espace et sentir les odeurs que je manque en papillonnant ainsi autour de toi. Je visualise tes pas ascendants vers mon nid de coucou, ton rire sur la pente du toit, tes mains qui s'activent au-dessus du lavabo. Ce couvercle brisé que tu m'enlèves des mains pour le réparer d'un geste sûr. Le dos tourné, je prends appuis sur l'écho de ta voix dans la salle de bain, sur ces notes fausses que tu amplifies pour me faire rire, je m'approche pour voir ton bras dépasser au dessus du rideau de douche et je sens ces gouttes qui déroulent leur langue dans ton dos et soudain cette envie féroce de mêler la mienne à la leur et de glisser dans le noir et les odeurs de ta peau savonnée. M'écraser le nez sur ton torse comme je me cogne le coeur, et peser de mon pouce droit sur ta carotide. Peser pour ressentir ce qui bat, là. Ce qui bat pour moi. Le savoir, tu vois? Tes chuchotements dans la nuit alors que tout devrait dormir, surtout nous. Ta voix qui s'éteint pendant que tu sombres, une main sur ma cuisse, et toujours ce vide absurde que j'ai besoin de laisser entre nos jambes pour m'endormir.

J'évalue mal mes distances. Je suis mes heures de route solitaires, ma carapace pleine de givre, mes perditions à peine contrôlées. Je suis moi aussi des silences que tu tentes de définir et des bouts de laine qui moutonnent sous tes paumes. Je suis mes pas qui enfoncent dans le mètre de slutche devant la caserne des pompiers.

3 commentaires:

Mek a dit…

Ouf, Miléna. Ouf. Stie.

Doparano a dit…

Si j'avais ton don pour décrire les choses, pour les dire et les faire ressentir... Esti que je serais heureuse.

T'es une grande ma choupinette

gaétan a dit…

Wow! Que ces choses-là sont bien dites.