Ses racines sont ici. Elles ont poussé sur le promontoire, dans une maisonnette en planches érigée au carrefour de deux sentiers d'un sable caillouteux qui s'ébrouait en spirales ascendantes sous les pneus des pick-ups de ses oncles. Un champ fauve juché sur la pointe surplombant une baie de longues marées; le fleuve léchant lentement les grèves spongieuses de tous les bouquets d'algues qui explosaient sous leurs sandales en faisant des bruits de pets. Ils riaient en sautant dans les flaques, cueillaient les têtards à mains nues, grimpaient avec peine sur les estocs en se cramponnant dans les failles. Les bras levés en signe de victoire sur le bout de ce monde qui leur appartenait. Infatigables, ils remontaient ensuite le sentier en maraudant les potagers et les bosquets de framboises. Ils se sauvaient des remontrances amusées des voisins en galopant entre les clôtures, revenaient à la maison les genoux écorchés et les poches bombées de coquillages qu'ils jetaient comme de la monnaie dans le vide-poche de l'entrée.
J'imagine sans mal les histoires qu'ils devaient se raconter le soir à mi-voix, couchés en rang d'oignon sur des matelas de sol pendant que leurs parents ouvraient des bières devant le feu de camp. Mon enfance ne s'est pas construite ici mais les personnages m'assaillent dès que j'y mets les pieds. Depuis qu'elle est revenue au Cap contre vents et marées, guidée par un appel originel et l'envie inéluctable de posséder son lopin de terre, je la suis. Je la suivrais au bout du monde, il faut le préciser, mais je me souviens qu'on y était venues en stop au tout début de notre amitié. Il y a quoi: 13 ou 14 ans? Nous étions alors comme des barques qui s'arriment l'une à l'autre pour ne pas couler. À l'époque, on peut dire que nous étions en chantier. Toutes les deux. J'y reviendrai peut-être, mais pas maintenant.
Depuis qu'elle est revenue au Cap, donc, avec ces histoires savoureuses dont elle nourrit mon imaginaire à toute heure du jour, l'âme des lieux me prends entièrement et ma tête exulte des histoires qui surgissent sans crier gare, particulièrement lorsque je passe dans une lumière propice ou dans les ombres qui roulent dans la lise effondrée des berges. Depuis qu'elle est revenue au Cap, ce que j'aimais d'elle devient le centuple parce que je la connais cent fois mieux (est-ce possible?) et sous différents jours. Tous les gestes que nous posons pour habiter les lieux et les embellir consolident notre amitié beaucoup plus sûrement que ces dizaines de soirées qu'on aurait pu passer dans les bars à deviser sur nos réussites ou nos écueils, ou à errer en ville, tout simplement.
Par exemple, quand nous descendons ensemble à la rivière pour faire le ménage munies de nos bottes de pluie, de coupe-branches, d'une bouteille de blanc et d'un plan tacite sur ce que nous voulons créer d'espace, je me laisse atteindre. Par le bonheur. Par l'impression incomparable de redonner vie au courant, de libérer d'un écran de pins morts un tronc double dont les racines trempent dans une mare aux fées ou une cascade rigolarde dissimulée sous des arbres qui ont glissé en se séparant. Je pense au bruit de leur chute et à l'aspect inquiétant de leurs ramifications sectionnées. On dirait les doigts crochus de deux cadavres immolés. Leurs grands corps allongés s'inscrivent dans le paysage comme les stèles nervurées d'une vie foudroyée. Peut-être que je dramatise, aussi, et que leur coeur était tout simplement trop lourd pour le sol friable de ce champ de météorites. Je ne veux pas qu'on les enlève. Je veux que la rivière se moule à leur peau dure et à tous les membres qu'on laisse tremper dans les bouillons. L'eau, le bois et le feu. La pierre et l'air. Tout ça me donne l'impression d'avoir les jambes enfoncées dans le sol jusqu'aux cuisses.
Je lance des poignées d'humus et de champignons, je me jette dans l'odeur de décomposition des branches mortes, je m'érafle volontiers les bras, je remplis mes bottes d'eau glaciale. Je la regarde, mon amie, dessiner en pensées son îlot près de la grosse roche avant d'attaquer en hurlant les branches trop lourdes, les casser en rugissant du ventre et de la gorge. Je l'imite en sautant sur le tronc mort d'un tremble rabougri de tout mon poids, une fois, deux fois, trois fois avant qu'il cède et que je dégringole sur les cailloux en riant. Nous trinquons à ce moment complice et libérateur, les fesses posées au milieu de l'île. Je vois les colonnes évanescentes de nos deux feux s'élever contre la verdure comme des murs de ces pensées délétères qu'il faut laisser partir pour trouver un équilibre; je songe brièvement à une espèce de rituel chamanique de purification. Passer des jours entiers avec elle à travailler la terre est ce que j'ai de plus précieux dans ma vie en ce moment.
Ensemble, nous défilons les histoires qui sont cousues à nos lèvres. Celles qui viennent des racines. Des siennes, des miennes et des nôtres. Celles qui trempent dans une eau stagnante qu'on peut déranger d'un coup de botte ou en déplaçant seulement les pierres.
5 commentaires:
Très beau texte.
Je suis emportée, au point d'entendre le bruit de l'eau, de vos bottes, de vos voix.
Miléna, en fait, ça me fait un bien fou de te lire.
Parfait. Parce c'est ce que je veux (secrètement) faire. Du bien, je veux dire.
Vous êtes une poète. :)
Excellente escapade.
a+
VIOLENCES+VOL :
Ceci est une tentative de gros scandale public bien gênant et qui limite étonnement les pressions qu'on peut subir, tant j'ai dû mal à trouver un avocat malgré mes efforts, afin de régler ce problème de non respect de mes droits les plus élémentaires, ce que je le conseille à chacun qui peut avoir des ennuis avec ce gros connard de sarkozy ou sa clique de clowns de flics minables des renseignements : je suis donc en train de régler un petit problème du genre détail avec cette grosse tache de si peu président de la république Française, en lui envoyant un avocat - difficile à trouver pour un simple citoyen mais on insiste - pour mises sous surveillance illégales, lynchage numérique inspiré de bonnes vieilles méthodes qui ne déplairaient pas au ku klux klan, lynchage qui n'a mobilisé personne sur le web ou dans la presse, actes de violence et pressions à mon égard et plagiat, par une grosse pétasse, vulgaire et ridicule et qui passe à la télé, ” comme si de rien n'était ”, de mes petits textes web.
Quant a sarkozy, s'il n'aime pas le web, et s'il n'aime pas la rue qui sait, la preuve, très bien se défendre, qu'il la quitte !
PS- Bien évidemment, s'il s'agit de calomnies, et qu'en plus on trouve désagréable de se faire insulter, il ne faut surtout pas hésiter à porter plainte en retour. BLOG ETC - nina
VIOLENCES+VOL :
Ceci est une tentative de gros scandale public bien gênant et qui limite étonnement les pressions qu'on peut subir, tant j'ai dû mal à trouver un avocat malgré mes efforts, afin de régler ce problème de non respect de mes droits les plus élémentaires, ce que je le conseille à chacun qui peut avoir des ennuis avec ce gros connard de sarkozy ou sa clique de clowns de flics minables des renseignements : je suis donc en train de régler un petit problème du genre détail avec cette grosse tache de si peu président de la république Française, en lui envoyant un avocat - difficile à trouver pour un simple citoyen mais on insiste - pour mises sous surveillance illégales, lynchage numérique inspiré de bonnes vieilles méthodes qui ne déplairaient pas au ku klux klan, lynchage qui n'a mobilisé personne sur le web ou dans la presse, actes de violence et pressions à mon égard et plagiat, par une grosse pétasse, vulgaire et ridicule et qui passe à la télé, ” comme si de rien n'était ”, de mes petits textes web.
Quant a sarkozy, s'il n'aime pas le web, et s'il n'aime pas la rue qui sait, la preuve, très bien se défendre, qu'il la quitte !
PS- Bien évidemment, s'il s'agit de calomnies, et qu'en plus on trouve désagréable de se faire insulter, il ne faut surtout pas hésiter à porter plainte en retour. BLOG ETC - nina
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