dimanche 9 mai 2010

Des nouvelles d'outre-tombe

Il y avait des années qu'il ne lui avait pas parlé. Ils avaient eu une de ces relations qui imposent un silence salvateur quand elles se terminent, quand il n'y a que l'absence pour colmater l'absence soudaine de l'autre. Des centaines de jours pendant lesquels ils avaient quotidiennement pensé l'un à l'autre en se demandant quel courage naîtrait du néant qu'ils s'imposaient. Un lieu ouaté et clos à l'abri du monde vivant pour laisser les dix années de leur histoire appartenir au passé, laisser la mémoire de leur corps retourner aux draps jetés depuis longtemps. Laisser aussi l'amour finir de se décomposer pour déposer ses pelures et ses poussières en tapis sur les parois de leurs visions anciennes. C'était un grand désert de sel brûlant la plante des pieds, de sable aussi, piquant parfois les yeux lorsque la colère remontait soudain. Un lieu indécis où les marées charriaient des odeurs de racines et le vent, le parfum iodé des larmes. La somme de leurs images respectives remplissait assez d'espace pour qu'ils puisses parvenir à se toucher à nouveau, un jour. Du moins, il l'espérait.

Ils se sont retrouvés devant un café, muets et émus d'avoir enfin franchi la barrière qui s'était élevée malgré leur histoire, ou à cause d'elle. Le regard accroché à ses longs cils, il constatait qu'elle n'avait pas changé. Elle avait peut-être maigri un peu et ses cheveux étaient plus courts, mais il voyait la même fraîcheur dans son sourire. Il était soulagé de pouvoir boire son bol de cappuccino sans trembler, de ne pas avoir envie de fumer une cigarette après l'autre ni de souhaiter quelque chose de plus fort pour contrer l'état dans lequel il avait eu peur de se retrouver. Il avait eu peur de glisser dans son parfum et de ne pas pouvoir se relever, cloué au sol par les remugles de sa peau. Il n'en n'était rien.

Les pieds enroulés autour des pattes de sa chaise, il apprivoisait l'instant. La musique était inaudible sous les propos qu'elle tenait, il la voyait avancer vers lui à mesure des phrases qui étalaient leur douceur sur les cicatrices mal refermées qui élançaient encore certains jours. Il trouvait enfin réponse aux questionnements aveugles qui avaient durci sa vision du passé. Il pouvait lui raconter des tas d'histoires, lui parler des changements survenus en lui, des traces laissées par son départ, de son coeur qui avait recommencé à battre. Il pouvait tout lui dire. Elle avait été si proche de lui qu'il suffisait de remonter la source à pas lents.

Tout avait changé, bien sûr. Mais le lieu infini où il l'avait relégué pendant toutes ces années n'était plus clos. Lorsqu'ils se sont levés après leur deuxième café, l'idée du pardon planait entre les bols vides.

7 commentaires:

anne des ocreries a dit…

Joli ! j'ai survolé, ça vaut le coup et la visite, discrète Miléna...
T'as de beaux mots, tu sais ? :)

Mek a dit…

Aoutch, babe. Juste d'y penser ça me coupe les jambes.

Miléna a dit…

Anne: Bonjour et bienvenue. Merci pour les mots. Je vais chez toi aussi, en cachette... :0)

É: Je sais.

Blue a dit…

Toujours tellement puissant et sensible...
Un immense plaisir de te lire à nouveau, belle âme!

Amitiés.
Blue

Anonyme a dit…

Bravo Mil
Très beau texte je suis ému et content de voir la force du dialogue.Cela dissout les émotions incrustées pour faire place à des sentiments plus noble. L'humain complexe doit sans cesse se renouveler et passer par des chemins difficile afin de comprendre le sens de la vie. Pas toujours facile mais combien libérateur quand le coeur a enfin sa robe de satin pour se protéger. Tu as la chance d'être sur cette voie et je serai toujours là pour venir border ce coeur remplie d'amour.

Pessieur

Anonyme a dit…

Je t'aime mon amie. Ça me fait du bien de lire ton texte... Tu sais pourquoi.
xxxx

CarO a dit…

Bravo pour le texte... toujours un plaisir de te lire...