samedi 22 décembre 2007

Tu pars

Tu pars demain de l'autre côté de la Terre et ça laisse un point qui pince juste là, dans mon ventre. Mais ce n'est pas grave puisque je sais depuis longtemps que notre amitié serait entrecoupée de longues absences. C'est ta liberté qui m'a d'abord attirée vers toi, et ce que le voyage a donné de force au regard que tu portes sur le Monde et les gens. Avant, je faisais comme toi: je me levais en plein milieu d'un repas pour aller réserver un billet d'avion par téléphone et je m'exilais ailleurs. J'allais me baigner dans la mer Égée, je marchais dans les Cévennes ou je prenais un bateau pour Belle-Isles-en-Mer. J'allais me faire fouetter la gueule et les tripes par les grandes tempêtes d'équinoxe sur les falaises hurlantes, je dormais sur des plages en dessous des canots renversés, je remplissais ma gourde de Porto pour sillonner les départementales sous le soleil encore chaud d'octobre. Je te comprends de vouloir aller voir qui tu es loin de ta vie. Je t'envie d'avoir le courage de tout laisser derrière toi et de partir sans entrave. La poussière et les sourires édentés te feront du bien. Serrer des mains calleuses, marcher dans les ruelles pauvres, respirer les odeurs des marchés, emplir ta tête d'images déconcertantes, plonger dans cette partie de ton coeur qui appelle le recueillement, donner ta tendresse comme tu sais tellement bien le faire. Retrouve ton rire et tes assises, là-bas. Laisse quelques uns de tes cailloux sur le bord du Grand Fleuve pour revenir plus légère. Prends et donne tout ce que tu peux, fais des réserves de chaleur. Je serai encore là quand tu reviendras de ta route, parce que je t'aime.

lundi 17 décembre 2007

lundi 3 décembre 2007

Troubles et émois 1

Juste avant que mon réveil sonne, j'ai rêvé de toi. J'ai l'impression d'avoir passé toute la nuit à tes côtés, tu étais aussi tangible que la dernière fois que je t'ai vu. C'est peut-être l'excellente tartiflette du Moine Échançon qui m'est restée sur l'estomac mais j'ai eu une nuit très agitée. Je ne sais trop. Quoi qu'il en soit, je me suis levée avec la sensation très troublante d'être, en quelque sorte, amoureuse de toi.

De notre dernière étreinte je garde un souvenir mille fois plus brûlant que toutes celles qui ont suivi avec d'autres que toi. Un moment imprégné comme une passion vive qui volète encore en froufroutant dès que je pose les yeux sur toi. Ce sentiment me laisse perplexe comme toutes les issues oniriques qui n'aboutissent nulle part, contre de fausses portes et des couloirs infinis. Je t'aime, je crois. Ou je pourrais t'aimer, pour être plus juste, si j'en avais l'occasion et la possibilité. Et tu en aimes une autre, et un autre est amoureux de moi, je le sais maintenant, il me l'a dit avec des mots bravaches comme s'il était sur un fil de fer à 800 pieds au-dessus d'un immense tapis de fakir. Alors quoi? C'est un cercle de coeurs épris qui n'y trouvent pas leur compte. Sauf le tien, bien sûr.

Le plus drôle dans tout ça, c'est que si tu lisais ce texte, tu ne saurais même pas que je parle de toi.

samedi 1 décembre 2007

Carnet de route 4

Hier, je suis revenue de Montréal dans la tempête. Elle a commencé à Boisbriand et elle m'a accompagnée jusque chez moi. Elle me précédait de quelques kilomètres, bien décidée à me damer le pion, la coquine. J'étais enroulée dans les spirales de neige folle qui naissent sous les 12 roues, le bitume était une comme une rivière grondante au printemps; plein de tourbillons blancs presque écumeux. Mes roues dérapaient dans les congères (j'adore ce mot!), et la neige mouillante collait à mes nouveaux essuie-glace de luxe en laissant une grande courbe trouble et coulante juste devant mes yeux. Je tendais le cou et j'étirais le dos, le pied gauche sur la pointe des orteils pour voir où j'allais, c'était fort inconfortable. J'ai roulé pendant quatre heures la musique à fond, les yeux aveuglés par les phares des innocents qui roulent à 115km/h. J'ouvrais ma fenêtre de temps en temps pour sentir le vent fou entrer à pleine gueule dans mon oreille gauche parce que j'aime tous les vents, surtout celui des tempêtes. Je ne supporte pas d'être confinée dans un espace sec et brûlant, je n'aime pas manquer d'air. Je ne vous cacherai pas que j'avais un peu peur. Je ne me fiais qu'à ma mémoire des courbes de cette route que j'ai si souvent parcourue la tête ailleurs et j'attrapais tout de même la bande gaufrée sur l'accotement; les panneaux fléchés me sautaient au visage dans une lueur exsangue. Mes omoplates brûlaient. Quand j'ai vu le panneau:"La Capitale nationale vous souhaite la bienvenue", j'ai poussé un soupir de soulagement intense en faisant des yahou dans ma tête. J'y étais presque!

Arrivée chez moi, j'ai largué mes sacs en vrac dans l'entrée, enlevé ma tuque, jeté mon manteau sur la chaise, j'ai inspiré l'air ambiant et fait ma tournée de l'appartement pour retrouver mon espace. (Et pour m'assurer qu'il n'y avait pas de bandit caché dans un recoin!). Je me suis mise en pyjama et je me suis servi un verre de vin que j'ai savouré lentement debout près de la fenêtre en réfléchissant. J'accorde vraiment beaucoup d'importance à la route. Je ne sais pas trop comment exprimer à quel point je fais corps avec elle. Elle est devenue comme un prolongement de moi, un endroit où je me retrouve très souvent seule et où je teste mes limites. Pour les repousser, pour me secouer, réfléchir, me calmer ou me provoquer.

C'est pour ça qu'hier, j'ai pris la route au lieu d'aller dormir chez toi au chaud, Marius.