mardi 21 octobre 2008

Au Cap 11: La Pomponne





Oui, elle a compris, ma Pomponne, que s'épivarder dans les feuilles mortes c'est un des bonheurs purs de l'enfance. Sauter dans les tas de feuilles géants, plonger le nez dans l'odeur craquante, sentir le silence diffus se matérialiser durant les brefs moments où on se laisse enfouir la tête et le corps. Elle a un peu peur, c'est normal, elle disparaît alors quelques instants, on lui demande de se taire, de se cacher, de faire l'endormie (pour ne pas dire la morte). Puis son rire quand elle sort de là en hurlant pour nous faire peur, nos comédies pour lui faire croire à la surprise et l'affolement. Ses "Encore!" tonitruants dans l'air acidulé. Elle a compris, ma Pomponne, que son regard fait naître les sourires. Ses yeux luisants de biche noire attirent le monde, ses cheveux mousseux fascinent les mains, le menton et les joues, son sourire entraîne les fariboles et les historiettes farfelues pour qu'il demeure, lumineux comme une nouvelle lune croissante. Elle est d'une beauté saisissante. Une princesse sénégalaise en exil, le sang rempli de tambours battants et de fêtes enturbannées. Tout son corps se souvient des danses qui remontent des racines, des imperceptibles mouvements ancestraux, de la vibration des terres sablonneuses qui s'égouttent dans ses veines comme les grains dans un sablier qu'on retourne inlassablement. Inlassablement, on a envie de l'aimer. Elle est si rare.



Sa mère et moi parlons souvent d'elle quand elle dort, lovées dans les fauteuils devant la grande baie vitrée, nos paroles portées par cet amour immuable qui se déroule en impressions de grandeur. Nous parlons de son coeur, de sa tête et des perles qu'elle accroche à nos commissures en riant très fort, la tête versée en arrière dans l'abandon au bonheur.



Nous parlons de ses frayeurs, de ses talents et des éclats de sa voix, de ce que nous espérons pour elle et de tout ce qu'elle accomplira sans nous, quand le filet sera percé et que nous ne pourrons que l'observer de loin. Nous savons que sa vie ne sera pas banale. Elle a déjà la trempe d'une sacrée battante.

Elle s'inquiète souvent pour mon coeur. Elle veut connaître les raisons qui font que je vis seule, elle voudrait tant que je lui présente un amoureux. Elle dit que je suis la plus belle Miléna au monde, elle passe les doigts dans mes boucles en pépiant, elle se colle sur moi en gigotant, elle se cramponne à mon cou comme un petit lierre tenace. Sa tendresse vient me chercher très loin, elle me raccroche les pieds au sol, elle m'arrime sans le savoir. Elle casse des épines du dos de la main. J'adore les après-midis que je passe à dessiner avec elle en répondant aux questions pointues qu'elle invente, les yeux concentrés pour ne pas dépasser les lignes. Elles me donnent parfois des sueurs froides tellement je crains de ne pas lui donner les réponses qu'elle mérite.



J'aime les balades dans la glaise de la grève, quand elle sautille pour éviter les bébés crevettes qui l'horrifient, ou quand elle fait la navette entre la maison et les bosquets de cèdres pour déposer des graines à son suisse -bientôt- apprivoisé, qu'elle a baptisé Lonely. Elle n'aime pas beaucoup la solitude, ni pour elle ni pour les autres. Elle est fillette de tribu. Elle a compris, ma Pomponne, que l'amour passe par la générosité, l'attention, la discussion et les caresses distribuées à tous vents.

5 commentaires:

Marius a dit…

La 4 eme photo est tout simplement géniale. Je pense à toi.

Doparano a dit…

Elle est tellemet belle et rayonnante. Ça donne le goût de redevenir jeune et insouciante. Qu'est ce qu'on est heureux quand on est jeunes et aimés...

Gomeux a dit…

J'essaie d'écrire mon billet mais je ne suis pas capable de m'empêcher de relire le tien.
T'as tout dit.

s.gordon a dit…

Cette puce est superbe. Elle donne le goût d'avoir des enfants :D

Mek a dit…

Comment ne pas craquer.








code : « ortanc »
Ehhh ben.