samedi 10 janvier 2009
Au Cap 17: l'an nouveau
Construire ensemble des maisons de bois, de neige ou de couvertures, ériger des forts ou des trônes de neige collante gardés par des bonshommes à qui on dessine d'immenses yeux verts avec du colorant à gâteau. Glisser sur la grève en cherchant les glaces transparentes pour s'en faire des fenêtres par lesquelles on s'évade encore plus loin que la ligne d'horizon. Marcher dans un champ d'oeufs d'où éclosent les algues gelées comme des centaines d'oisillons noirs. Grimper dans les sentiers de la Montagne-aux-Coyotes en raquettes en enfonçant quand même jusqu'aux genoux dans la poudreuse pailletée, s'arrêter pour souffler des confidences et faire des ronds de fumée, une mèche gelée sur le front, la sueur glissant le long du dos jusqu'à la fossette des fesses.
Prendre un moment ou deux, seule sur la véranda, à regarder les geais se disputer la pitance pendant que les mésanges cabriolent dans les pins et que l'écureuil sans queue attend son tour, les bajoues encore pleines. Marcher le long de la voie ferrée jusqu'à l'ancien phare et écouter la glace gémir dans son exode forcé, pour découvrir un peu plus loin cette vieille cabane perdue dans les bois, maisonnette penchée sans porte ni fenêtres où j'ai déjà envie de t'amener. Son poêle cassé, la longue table rouge à tréteaux, la mezzanine vide et les tablettes bancales où rouillent de vieux chaudrons. La terrasse avec vue sur un des coudes du fleuve, qui nous donne l'illusion d'être juchés au-dessus d'un océan d'icebergs cassés.
Grand-papa D* buvant son gin devant la porte ouverte de la truie, le cigarillo fiché dans les fentes du poêle, les yeux mouillés par la boucane (ou par les sourires de ses petits enfants?), la tourtière au lièvre chassé par la Pomponne fière comme le paon, les grosses parts fumantes attaquées par les fourchettes voraces. Les scones à la confiture au bleuet de la Rousse qui laissent des moustaches de crème fouettée. La soupe qui mijote tout l'après-midi et dans laquelle on pigrasse "juste pour goûter", le chocolat chaud de 4h, les histoires du Cap qui s'éternisent dans la nuit, souvenirs de pêches miraculeuses aux capelans roulant sur la grève à l'époque où grand-père maraudait en culottes. Le vin qui coule mieux encore que la rivière, les bouchons qui sautent, le brasier dans la clairière au passage de l'année nouvelle et tous les voeux qu'on lance parmi les étincelles, pour qu'ils volent et rejoignent ainsi les fantômes qu'on délaisse pour se tourner vers demain.
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4 commentaires:
Uhmm… Tu me fais presque aimer la neige, l'Amérique, la chasse… C'est pas rien.
Elles sont magnifiques tes images du Cap Milou, et elle est magnifique ta plume
Et ben! Quelle merveilleuse façon de passer à l'an nouveau.
La glace du fleuve, c'est dur à battre comme son, quand ça s'y met...
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