lundi 2 novembre 2009

Au Cap 22: Une vraie histoire d'Halloween



Il est arrivé à 6h15 du matin. La pénombre s'étirait encore sur le Cap. Un étrange vent chaud d'Halloween riait dans l'allée de sapin comme un groupe de sorcières ravies de voler en ligne droite jusqu'au fleuve. Il est arrivé lentement. Un grand gars efflanqué dans une vieille bagnole rouge. Il a fait un détour dans l’allée qui monte derrière le champ d’en face et il s’est stationné en plein milieu du chemin. Il a coupé les moteurs, a baissé son siège et il a tourné sa tête vers les fenêtres de la maison. Ma mie, en robe de chambre, rallumait la truie après avoir été abruptement tirée du sommeil par les mulots qui grattaient le mur du cagibot. Intriguée par la présence d’une voiture à cet endroit, elle s’est approchée de la grande fenêtre du salon pour regarder qui venait là. C’est novembre qui s’installe au Cap. Les maisons des voisins sont plongées dans la pénombre, les fenêtres sont placardées, il n’y a personne d’autre que nous, sauf peut-être un couple beaucoup plus bas vers le fleuve.

Pendant qu’elle l’observait, l’homme est sorti lentement en se dépliant de la voiture, le visage caché par un capuchon noir comme un voyou du métro de Londres. Il a baissé sa braguette et il s’est mis à se tripoter, puis à pisser en la regardant par en dessous. Trop bizarre. Il est retourné s'installer dans sa voiture et il est resté là pendant un trop long moment. Immobile et louche dans sa voiture rouge. Son ombre tournée vers nous. Des heures plus tard, attablées devant un café, nous tergiversions sur la marche à suivre; les œufs cuisaient sur la truie et il y avait cet homme qui regardait encore vers nous sans relâche.

- Je vais aller le voir, au cas où il serait malade…
- T’es folle, va pas là, tout à coup qu’il t’attaque! »
- Heu… ouin... ça serait pas d'avance, c'est sûr.
- Va chercher ton cellulaire!
- Ben non… il est sûrement pas dangereux, ce gars-là! Il dessaoule ou il dort…
- Pffffffff! Non! Il a pissé vers moi! En montrant sa quéquette! C’est pas clair son affaire, Miel… je suis pas rassurée…

Alors on a guetté ses mouvements. Je suis allée chercher du bois en l’enlignant de mon regard outré avec emphase. Je tirais les grosses bûches dans la brouette en le matant pour lui montrer que je me laissais pas intimider. Puis je suis sortie fumer sur le balcon en croisant les bras. Ma mie est allée virer sur le terrain aussi en le dévisageant ostensiblement. Il ne bougeait pas. Vers 10h, il est reparti comme il est venu, en roulant lentement vers la plage. Trop loin pour qu’on puisse noter son numéro de plaque.

Argh! Depuis qu’on est arrivés au Cap, on a parfois peur des coyotes. On guette les ours, les renards, on traque les mulots. Mais les hommes??? Jamais on n’a eu peur des hommes. Il a profité de la lueur orange de l’Halloween pour venir nous flanquer la trouille en plein jour. Le soir venu, nous avons dû nous résoudre à barrer les portes et à mettre la chaîne. À l’heure où j’écris ceci, M* est partie se coucher avec le pied de biche. Assise toute seule à la table de la cuisine, je me sens épiée à travers les rideaux de dentelle. La lune illumine le champ d’en avant mais tous les réverbères sont éteints sur le rang sauf celui devant la maison. Le pire, c’est qu’il y a de la brume… La pluie claque sur le toit du cagibot. Je remets une bûche dans la truie. Je m'abstiens de sortir fumer dehors. Je n'avais pas peur de lui en plein jour, pourtant. Je suis furieuse de me laisser impressionner par la nuit et la perspective qu'il soit revenu assouvir ses envies. Tapi dans l'ombre comme un gros lâche sans cervelle. Un gros lardon à quéquette molle.

Jamais nous n’aurions pensé à redouter quelqu’un ici. Il a rompu notre quiétude et le sentiment de sécurité que nous ressentions. Je ne suis pas contente.

5 commentaires:

Gomeux a dit…

Grrr.
Si t'es pas contente, chu pas content.
Mérite un bon coup de pied au cul, ct'intrus.

Simonac de photo, sinon.

Mek a dit…

Bon, primo, les fleurs. Tu m'a crissement foutu la trouille avec ce texte trop terrifiant que j'en tremble encore.

Secundo, mon petit côté pragmatique. Il faut éliminer ce type illico. Pas le choix. J'envoie quelqu'un, si tu veux.





Code:
Scraph
comme dans :
on lslug pis on ldompe à scraph

McDoodle a dit…

Pas dans cour à scraph de Gordon j'espère?
Terrifiant, moi aussi j'ai eu peur ! Le maudit qui est venu chambouler votre quiétude, il est revenu ?
Photo mouvementée, superbe.

uovo a dit…

Sourire.
C'est vrai, il faut toujours se méfier des quéquettes molles.
:-)))
Quoique...

Robein a dit…

C'est dans ce temps là qu'on regrette d'avoir arrêté les leçons de karaté avant la ceinture jaune. ;)