lundi 14 octobre 2013

Action de Grâce

Sillonner la plage à la recherche de bois de grève polis et séchés par le vent marin. Ramener des arbres entiers déracinés puis portés d'on ne sait où par les courants, projetés sur la grève par les fortes marées de l'automne qui avance. Ériger un immense tipi entre les rochers comme une oeuvre commune dans laquelle chacun met du sien. Elle pense que l'énergie de toutes ces mains ajoute une ardeur particulière au feu qu'elle allume du premier coups, l'écorce parcheminée et les brindilles de sapin s'enflammant en formant une colonne d'étincelles qui se fondent au ciel encore bleu. Il y a un moment de silence où tous les regards se perdent dans le dessin que forment les flammes. C'est l'instinct ancestral qui remonte, le pouvoir des couleurs mouvantes et de la chaleur qui amène la tête ailleurs. Voilà pourquoi elle tient tant à ces rituels païens qu'elle provoque aux passages des saisons et lors des fêtes qui scandent le calendrier des croyants. Elle aime plus que tout ce temps d'arrêt où chacun réfléchit à ses chances et prend conscience des autres sans qui la vie serait plus rude. C'est le pouvoir de la gratitude, un instant de reconnaissance, une manière de s'attarder à l'essentiel pour balayer les écueils et ces douleurs qui traînent toujours plus ou moins dans les heures de solitude. Reconnaître le bonheur c'est le prolonger, lui donner de l'élan et le propager. Voilà pourquoi ils notent leurs remerciements sur des bouts de papier qu'ils jettent dans le feu, ravis de voir la fumée les dissoudre sur les ailes des envolées d'oies sauvages qui passent au même moment. La symbolique des migrations ne leur échappe pas. Elle appelle au courage et aux longs voyages qu'on ne peut accomplir qu'avec les autres, et à cette force qu'on ne peut trouver qu'en soi.

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