dimanche 2 août 2009

La Havane, enfin!



















Louer une voiture était au-dessus de mes moyens, et j'avoue que j'avais une légère inquiétude à conduire dans cette ville de 3 millions d'habitants. Je n'avais pas pensé au fait que la plupart des Cubains sont trop pauvres pour acheter une voiture, ce qui rend la circulation fluide comme celle d'une ville de province. J'ai pris un tour guidé pour la première fois de ma vie, moi qui n'aime guère suivre un troupeau. J'étais contente de l'avoir fait parce que notre guide était fort intéressant, d'une part, et que j'étais ravie de ne pas marcher toute seule toute la journée dans les ruelles où le touriste émane une odeur d'argent alléchante.

Impossible de faire deux pas sans que les enfants arrivent en nuée avec leurs beaux yeux bruns suppliants en nous tirant le bras, que les femmes demandent l'aumône pour leurs petiots en nous touchant le visage ou que les hommes fassent des propositions salaces. Impossible aussi de prendre des photos d'eux sans qu'ils tendent la main pour un pesos, un rouge à lèvre ou des bonbons. Lasse de me faire houspillée et un peu assommée par la chaleur accablante, je me suis résignée à ne prendre en photo que les bâtiments. Surtout que le tour à pieds était dans le quartier de la Vieille Havane, qui est résolument magnifique mais dont les rues sont asceptisées comme celles du Vieux Québec. Moi qui voulais revenir avec une série de portraits, j'ai été fort déçue.

Déçue aussi de constater que je manquais de courage pour affronter leurs regards et que je ne me sentais pas bien lorsque je me suis enfoncée dans le quartier moins touristique lors de notre heure de visite libre parce que je ne savais pas comment éviter de me faire arrêter à chaque porte cochère, ni comment tenir tête à leur colère puisque je n'avais rien à leur donner. L'odeur écoeurante de la pisse, des poubelles et du diesel me donnait un peu mal au coeur dans les rues étroites où l'air ne circulait pas du tout à 3h de l'après-midi. Moi qui supporte bien la chaleur, je traînais mes savates en dégoulinant de partout. J'ai choisi un coin d'ombre pour boire une Crystal tout juste sortie de la glace et j'ai passé une demie-heure à regarder le peuple aux abords de la foire d'artisanat. J'ai donné ma bouteille d'eau à deux gamins trop mignons et discuté avec Franck, un balayeur de rues au sourire large comme ça en regardant les enfants faire des tours de poneys, les hommes jouer aux dames et le fort au bout de la baie lumineuse.

Sur la route du retour, je n'ai pas quitté le paysage des yeux. J'adore la vie sémillante des villages cubains de bord de mer, quand à 18h le peuple se donne rendez-vous sur les places et dans les baies bordées de rochers, quand on les voit marcher en bande sautillante vers les longs sentiers de terre qui conduisent à l'océan, puis les enfants qui plongent du haut des ponts ou des estocs en faisant des pirouettes, les couples d'ados agglutinés sous les palapas. Tout le long des routes, des chapelets de Cubains attendent sous un soleil cuisant un transport qui n'arrive jamais. Impossible d'être à l'heure dans ce pays où tout fonctionne au ralenti, où l'on doit se débrouiller comme on peut, faire du troc, de l'auto-stop ou marcher des heures durant. Sous les galeries couvertes, des mères de 17 ans le bébé juché sur la hanche, sur les balcons des appartements, des hommes regardent la vie passer en devisant tranquillement. Derrière les volets toujours clos des maisonnettes, il y a toute cette vie qu'on ne voit pas, ou sinon fugacement par la porte entrebaîllée; des familles serrées devant le poste de télé qui diffuse les émissions permises par l'État, de la musique, des jeux, et des éclats de rire, tout le temps.

4 commentaires:

McDoodle a dit…

J'aime beaucoup la havane+2, 3 et wahou! la +4.
À la lecture, on les vois tes portraits.

Doparano a dit…

Il était temps que tu reviennes et que tu me racontes la Havane que je n'ai pas eu la chance de voir.

tu m'a manquée et tes écrits aussi.

Mek a dit…

Ça y est, je suis maintenant nostalgique de la Havane aussi ! Argh. Je nostalgise de partout.

J. a dit…

Magnifique.
Et tes photos aussi !
J'aime particulièrement la quatrième et la cinquième.
Les deux chiots qui se chamaillent dans la géométrie des couleurs.