vendredi 11 avril 2008

Carnet de route 8

Quand je suis sur la route et que j'ai le temps, je me promène le nez en l'air dans les rues excentrées. En prenant ces photos, je chantais un vieux tube de Pierre Bertrand entendu à la radio dans un commerce. Il m'arrive souvent de me prendre des poteaux en pleine face à force de ne pas regarder devant moi, ou de tomber en bas des chaînes de trottoir en m'éraflant les mains sur les cailloux comme une fillette. Une fois même, j'ai enfoncé jusqu'à la mi-mollet dans le béton frais coulé d'un trottoir, rue St-Vallier. Je ne vous raconte pas la très grande marade de ma meilleure amie écroulée de rire sur la pelouse adjacente devant mon air ébaubi. (Les gars de la ville riaient moins, mais ils m'ont quand même lavé les jeans au boyau d'arrosage en pleine rue.) (Ahahahahahahahahahah!) S'cusez.








Les yeux levés, on voit mieux les lignes, les ombres, les arêtes et les textures qui se découpent dans la lumière. Sur le fleuve derrière la maison blanche, les glaces dérivantes ressemblaient à des pagodes. Ce n'était plus de gros blocs d'iceberg comme à Matane, mais de longs morceaux effilés qui glissaient, disons, gracieusement. Je me demandais qui d'elles ou de moi arriveraient en premier à Québec. J'étais à Trois-Rivières encore, dans mon auberge tranquille où le proprio m'accueille toujours avec un coup de rouge et de grands sparages affectueux. Il me donne des becs bruyants en me tenant les épaules de ses grosses mains pleines de peinture, me raconte son mois, ses frasques, l'avancement des travaux de la nouvelle aile de la maison, et me demande à tout coup si j'ai enfin un "p'tit chum". Il dit que je suis jeune et que j'ai le temps, et me suggère avec un clin d'oeil de plutôt garder des amants. Il me fait choisir ma chambre puis je m'installe dans la grande salle à manger pour travailler, ses deux chiens couchés à mes pieds; je vois le fleuve s'étirer sous les rayons obliques de la fin d'après-midi. Le mois prochain, il me donnera un double des clés, c'est vous dire combien j'y suis chez moi.

Sur la route, les endroits comme ça sont précieux. On a l'impression que quelqu'un nous attend.

5 commentaires:

Gomeux a dit…

C'est Trois-Rivière?
J'avais jamais vu ce coin de la ville.
Ce que j'ai vu était pas mal moins beau.

Miléna a dit…

Peu de gens aiment Trois-Rivières parce qu'ils ne la connaissent pas. Il faut dépasser les odeurs de l'usine et entrer dans les ruelles. Comme partout ailleurs. Moi, je l'aime d'amour. Mais ça m'a pris du temps; il a fallu que je vive des aventures palpitantes et que je trouve mon chez-moi là-bas.

Mek a dit…

Je demeurais à 5 minutes de là à pied. Sainte-Cécile est un drôle de petit bout d'Amérique, coincé entre un immense centre d'achat décrépit et le fleuve, entre sous-développement néocolonial et souvenirs élégants des débuts prometteurs de ce continent dont Miller raillait qu'il est allé directement de la préhistoire au déclin, sans passer par la civilisation.

Photos superbes et texte délicieux, comme d'hab. Merci Miléna.

Fefille a dit…

j'irai m'y flâner un jour ...merci!

Miléna a dit…

Tiens, v'la du monde! J'allais demander à Gomeux si ça lui tentait de faire une partie de scrabble. Me semble que les corridor de la blogosphère sont crissement échos, ces temps-ci. Qu'est-ce que vous faites de beau?