L'année commence tranquillement avec son sourire comme point d'ancrage.
Puis je sens comme la chaleur d'une paume étampée dans mon dos et une indicible présence au bout de la ligne, qui me fait marrer et me coucher à plus d'heures. Tout est diffus, filtré par la brume qui sévit au dehors, cette étrange opacité de l'hiver qui sue. Moi aussi, je sue, les bras égratignés par mon sapin rabougri, les cheveux collés sur les tempes, les aiguilles étampées dans les bras, sur les jambes et même sur les fesses, c'est bizarre. Il y en aura partout dans les craques du plancher jusqu'en juillet prochain. Par paresse, j'ai lancé mon sapin en bas du troisième étage et je l'ai regardé s'écraser; les aiguilles ont fait des dessins confus sur la neige comme des centaines de coupures de rasoir sur les avant-bras très blancs d'une femme fragile. Aujourd'hui j'ai réglé des comptes avec quelques conflits antérieurs; des batailles de voisinage stimulées par l'orgueil mal placé et trop de silences indus. On a sabré le mousseux et ouvert une bouteille de blanc en plus, j'ai vu le ballet de nos pas maladroits tenter de s'accorder sur le même rythme. Pas facile. On piochait dans les olives au pamplemousse, les fromages frais et les anchois huileux en se confrontant comme des coqs fatigués. On a laissé partir nos réserves et cette année de défiance avec le fond de la dernière bouteille. Je vais devoir lui prouver bien des choses pour qu'elle passe enfin l'éponge. Elle me dit qu'elle n'est pas rancunière mais elle reste pourtant fâchée longtemps. Je ne vois pas trop la différence.
Demain le retour au travail; jupe, maquillage, mallette noire et la route encore comme une vieille amie qui me fait signe des deux bras en appelant mon nom de loin.
9 commentaires:
C'est EXACTEMENT ça qui clochait dans l'autre ma belle, là t'as mis le doigt dessus.
Beau texte! très beau texte. Il m'a parlé...et me parle encore.
bonne chose que ce sapin qui ralie trois étages. quand la neige aura fondu, les auguilles ne se veront plus (et ce n'est pas un proverbe chinois)
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lot
y'avait quelques temps que j'avais pas fait aller mon curseur sur ton blogue.
c'est si bon d'y cliquer.
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Impec !
J'aime aussi le rappel des bras fragiles à la fin.
Encore une fois adorable.
Je me risque quand même à foutre le bordel dans tes comms avec une violente controverse. À mon avis, Miléna, le monde se divise en deux groupes se livrant une lutte sans merci. Ceux qui sablent et ceux qui sabrent. Je sais qu'il existe une tradition hussarde de couper le sommet de la bouteille de champagne avec le dos de l'épée. Et certains dictionnaires, fatigués de se battre, ont baissé les bras (encore les bras !), et ont commencé à référencer l'usage endémique de l'expression sabrer, née d'une confusion. Mais moi, je résisterai !… Jusqu'à la fin… Je me battrai… Je serai peut-être le tout dernier de la francophonie ! Mais jusqu'à ma mort, je sablerai.
.....
Dictionnaire de l'Académie Française :
De même que l'on jette précipitamment la matière fondue dans le moule, on jette du vin dans le gosier et c'est par cette ressemblance que l'on dit «jeter en sable» ou «sabler un verre de vin».
(1)*CHAMPAGNE n. XIIe siècle. Du bas latin campania, « plaine, campagne ». Au sens 2 (XVIIIe siècle), par ellipse de vin de Champagne.
II. N. m. Vin blanc mousseux, produit en Champagne. Du champagne brut, sec, demi-sec. Une bouteille de champagne. Sabler le champagne. En apposition. Couleur champagne, beige rosé. Des rideaux couleur champagne ou, ellipt., des rideaux champagne.
Reste que…
Merci de ce texte d'une beauté évocatrice rare.
Merci d'exister, stie. :0)
xx
É.
&: Je savais que j'aurais dû vérifier!ARGH! J'aurais dit sabler, moi aussi! Maudite boisson! Reste que j'ai exagéré un brin. On a "enlevé doucement le bouchon" pour ne pas se crever un oeil. J'avais pas apporté mon sabre, j'avais trop peur. Merci pour tes précisions et ta grande rigueur.
xxx
Haa haaaa haaaaa !
Mais, mais, mais...
Pourquoi y a personne qui m'a dis que la rédemption c'était ici, et chez Malice, et chez Nougat.
Moi qui cherchait de la lecture féminine en librairie, c'est ici que ça se passe...
gomeux: pour la littérature féminine, t'as qu'à demander. Je suis aussi championne de la chick litt...
Faut que ça fesse comme vous, avec de la finesse itou.
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