Elle se terre le jour pour échapper à la police des camps de réfugiés. Pour elle, le temps tourne au ralenti. Elle se ballade un peu à la nuit tombée en relevant ses cheveux pour éponger la chaleur moite qui fait coller la poussière à sa nuque. Elle plisse le nez dans l'odeur des détritus qu'elle doit parfois pousser du pied pour avancer plus aisément. Elle s'attarde souvent pour bavarder, avide de tout savoir et de tout comprendre. Elle est allée rejoindre ses amis les moines en cachette, sans le permis de séjour qui tardait trop à venir. Dès son arrivée, elle est tombée follement amoureuse d'un moinillon de 7 ans qui a réussi d'un regard à faire sourdre la tendresse, la commisération, la générosité et tout ce qui existe d'autre en elle.
Le lama l'a invitée à prendre le thé, un après-midi. Puis à souper le lendemain soir. Dans un anglais approximatif, il essayait de lui faire comprendre quelque chose qu'elle ne parvenait pas à saisir. Elle suit des cours de tibétain depuis un moment, mais elle en est encore aux voyelles et aux syllabes, et à démêler cet alphabet qui ne ressemble à rien. Ils ont alors cherché quelqu'un qui pourrait traduire ce que le vieil homme voulait lui demander. Ils y sont parvenus enfin lors d'un échange téléphonique rocambolesque, avec force gestes et sourcillements divers. Le lama lui racontait en fait l'histoire de cet enfant, arrivé au camp accroché à la main d'un vieillard qu'il ne connaissait pas, ses parents l'ayant chassé parce qu'ils n'avaient plus les moyens de le faire vivre. Ou peut-être était-ce aussi pour le mettre à l'abri du danger. Les camps de réfugiés et les monastères sont remplis de ces enfants abandonnés qu'il faut bien accueillir et faire vivre...
Elle a accepté tout de suite de devenir sa marraine (probablement en souriant à pleines dents ou même en riant la tête rejetée en arrière, comme je la connais). Elle l'a d'abord amené chez le médecin, lui a fait tailler une nouvelle robe, l'a pourvu de sous-vêtements, accueilli chez elle pour le laver à l'eau chaude et nettoyer ses nombreuses plaies, puis elle lui a donné l'argent nécessaire à assurer sa subsistance pendant un an. Ça ne lui a presque rien coûté, pas même le salaire d'une semaine. Mais plus que tout, il a maintenant une amie solide pour veiller sur lui, et une âme bonne où aller se réfugier au calme, s'il en a besoin.
Il s'appelle Passang Dorjee.
3 commentaires:
T'as vraiment un don pour raconter les tranches de vies de tes amies...
c'est vrai que tu est vraiment bonne, on dirait que tu etais la... Ca y est je suis inspire. Va lire mon premier blogue. Je t'aime
C'est un banquet, ton blogue, Mel.
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