Cinquième nuit de cauchemars. Les effets de la grippe, sûrement. Je suis incapable de supporter la pseudoéphédrine qu'ils mettent dans les médocs, ça me donne le tournis, des palpitations et ça me fait bouillir comme un putain de chaudron sur un feu de camp. J'ai tellement chaud sous la couette que dans mon sommeil, je confonds la sueur qui me coule dans le dos et entre les jambes avec du sang épais qui perle des blessures qu'on m'inflige d'un rêve à l'autre, sans cesse des coups et des lacérations à mes cuisses, mon dos, ma tête, mon ventre et mon coeur. Je me réveille plusieurs fois par nuit en repoussant mes draps d'un geste paniqué pour regarder, hagarde, si je baigne dans une mare écarlate. Je m'asseois alors sur le bord du lit pour reprendre mes esprits, les mains accrochées au matelas, la tête baissée sous le poids des images; je change mon slip détrempé et me recouche de l'autre côté du lit, là où les draps sont inhabités et frais.
Je rêve à ma morte. L'image vient de McComber, mais j'aime cette idée, alors je la lui vole temporairement. On en a tous une, non? Une morte qui revient nous tirer des plaintes du fond de la gorge, qui s'installe dans nos images pour les déformer en riant, une sorte de figure de proue fantômatique et déchue qui prend sa revanche en plongeant les doigts comme une intruse dans ce qui reste d'espaces protégés. Je rêve à des lames effilées qui coupent les muscles de ma cuisse droite, à cet homme aimé qui devient soudain dément et qui me ratisse le dos de ses ongles transformés en rasoirs. Je rêve d'une route sombre sous des nuages opaques poussés par un vent malain, à la solitude tenace qui m'emprisonne dans des décors dont je ne peux sortir et que j'arpente en criant à l'aide. Je rêve à la tristesse, à l'opression, au déluge d'insultes et de colère dont j'ignore la provenance et que je reçois debout, les bras ballants, sidérée par la puissance des coups. L'impression tenace d'enfoncer dans la lise, d'avoir les pieds entravés par la succion, ou au contraire celle d'être trop légère pour rester au sol, et de me sentir transportée dans des lieux toujours gris où ceux que j'aime deviennent étrangers, menteurs, violents, fous et dangereux.
C'est à se demander si j'ai la conscience tranquille.
7 commentaires:
Et c'est ainsi que nous vivons… Dans une pénombre inquiète. Ne retourne pas ce sentiment, Miléna. Je crois sincèrement que les gens sensibles, qui synthonisent, ressentent le flot de ce qui s'en vient. Famine. Guerre. Usage des atomiques. Désolé de dire ça, mais ça clignote sur mon tableau de bord. Peut-être suis-je déréglé. Je ne vois plus ce qui endiguera le flot des démons déchaînés.
Chus lourd, pardon.
J'en ai parlé déjà, je pense, mais je te comprends tellement...
J'ai même pas besoin de pilules pour faire ces rêves de fuites, de survie, de peurs...
Une fois par mois, au moins, c'est la guerre dans mon sommeil.
Depuis au moins 10 ans.
Je commence à avoir une bonne idée de ce que je vais faire quand les premiers bombardiers vont arriver.
Le réveil est une délivrance où je m'empresse de serrer mes amours pendant que j'en ai encore le droit.
J'en tremble juste d'en parler...
Alors sans le savoir, j'ai rêvé (comme on rêve tous dans nos nuits troubles), puis écrit une allégorie du Monde? Un cauchemar qui serait à nos portes? Vous avez tellement l'air sûrs que le jour vient où on ne sera plus en sécurité nulle part... On en a déjà parlé, mais on dirait qu'une partie de moi est comme Ambroise, dans une coquille solide. Et que j'ai pas trop envie de croire à ça.
J'ai envie de croire qu'il y a des lieux où on pourra se réveiller encore. C'est de même.
Moi tout ce que je voudrais c'est remplacer "vont arriver" par un beau gros "si"...
Faut pas juste croire qu'il y a encore des lieux où on peut se réveiller, il faut les chérir, les protéger!
ouais! Je vois d'ici la réponse de notre ami... Tu veux parier? :0)
Mais ceci-dit, je vote pour ton gros "si"...
Mais si rien ne s'oppose. Nous faisons face à une épidémie de confusion, de socio-schizophrénie ! Les masses appauvries du monde voudront en tout premier lieu pendre les écolos, associés comme des crétins à l'éthanol…
Oooh j'aimerais tant voir une jetée se dresser devant les nuages noirs, pour au moins savoir qu'existe une volonté de s'abriter, une conscience de la tempête si proche.
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