mardi 12 février 2008

Envolée

L'attente, c'est aussi bien que le moment lui même.
Les yeux qui clignent devant le vide, les idées qui s'évaporent, les atomes qui se battent tout autour, les mains qui s'égarent dans les mèches folles, les mille allers-retours au miroir, les changements de costumes avec force claquements de langue réprobateurs, les regards appuyés la tête penchée devant la glace. Ce jean. Non, cette jupe. Ou plutôt la noire? Ce gilet qui me fait des gros seins? Non, plutôt cette camisole qui m'amincit. Ou encore mon nouveau top, le bleu, qui va avec mes yeux. En slip devant le garde-robe, la hanche sortie, la paume sur l'os qui saille, on cherche le morceau qu'on a oublié, celui qui convient le mieux. On a plus rien à se mettre, soudain, ou tout est au lavage, en boule compacte dans le panier qui déborde. On guette la porte en bas, le craquement des marches, le courant d'air qui glisse en l'amenant avec lui. La voisine fait exprès pour descendre au dépanneur, on entend des pas et c'est tout l'être qui galope soudain, le corps décomposé, les jambes derrière le coeur comme un personnage désarticulé. La fausse alerte qui coupe le souffle, l'envie d'y être déjà, cette impression de gonfler pour sortir de soi et s'élever, s'élever enfin ou déjà, enfin s'élever et exploser d'un bonheur qui amène presque les larmes, tellement il est trop grand, tellement il prend toute la place en ravageant les jours d'absence.

4 commentaires:

Gomeux a dit…

Ça me fascine à chaque fois, ces séances d'habillement.
L'incertitude, l'étincelle dans les yeux, la déception, la résignation, alouette!

Anonyme a dit…

Tu as raison de dire que l'attente est aussi belle que le moment. Elle nous permet de nous créer des scénarios, des fantasmes qui n'arriveront sûrement pas, mais qui réussissent tout de même à nous emballer...

Mek a dit…

Chute splendide.

Mek a dit…
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