Elle passe ses journées dans une grande maison figée au sommet d'une falaise. Les arbres forment un écran qui absorbe les sons de la ville pour protéger le silence qui précède la mort. La lumière entre à flot, pourtant, par les larges fenêtres à battant, les rideaux s'écartent en voletant pour distiller la fraîcheur sur les fronts brûlants. Parfois, on entend la musique accompagner une âme qui monte au plafond. Le cri d'une femme se fracasser au dernier souffle de son mari, les pleurs hachurés, les soupirs de soulagement, les phrases de reddition, les déclarations ultimes, les pardons, les rancoeurs balayées sous les caresses. Les tapis absorbent les pas pour ne pas troubler les prières qui s'évadent au seuil des portes closes.
Avant, elle sauvait des vies. Maintenant, elle préfère accompagner les mourants. Et leurs proches, évidemment, parce que ce sont eux qui restent souvent pantois avec une tonne de brique dans le ventre et autant de gravier dans la voix. Je vois d'ici comme elle doit les barder d'amour, et ils trouvent sûrement dans ses yeux une source, un réconfort, un élan. Je la connais bien, je sais que ses mains contiennent une sorte de magie et qu'elle parvient d'un geste à dénouer les noeuds de la douleur. Elle recueille précieusement les larmes et trouve d'instinct les mots lénifiants qui apaisent les brûlures des grands chagrins.
Je ne comprends pas comment elle fait pour accepter l'omniprésence de la mort avec autant de sérénité. Loin de l'anéantir, la disparition des êtres lui donne la force de mieux affronter l'existence. Son regard a changé, elle ne mesure plus les écueils avec la même gravité. Elle s'efforce de nous contaminer de cette vision éclatante de la vie et nous apprend à relativiser les événements qui nous blessent. Quand je me laisse prendre par la tristesse comme hier, j'essaie de puiser dans ses paroles le courage de bomber le torse, de laisser passer la vague et de m'ancrer solidement les deux pieds dans ma vie.
5 commentaires:
Je l'imagine rougir, la Do.
Touchant et juste.
Oaah…
Si jamais Y'a un peu de moi dans cette femme dont tu parles... Je suis vraiment mais VRAIMENT touchée
Do, t'es impayable!!
Stie, jme roule à terre, tu viens de me redonner le smile dans cette longue semaine dont y a pourtant juste deux jours de passé, merci!
Si Miléna parle pas de toi ici, c'est alors que c'est de moi qu'elle parle.
Donc c'est de toi.
je fais plus dans le passage de pucks que dans le passage de vie.
Accepte le baume.
Pour te redonner le sourire gomeux je ne suis qu'à un clic tu sais, tant mieux si je t'ai fait sourire. Si jamais il repart avant la fin de la semaine, refait moi signe.
C'est vrai que je ne croyais pas qu'elle parlait de moi. d'ailleurs je n'y croit pas encore tout à fait.
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