dimanche 22 juin 2008

Tuer le temps



Sa tête était comme ça: pleine de trous, de lignes rouges et de bleus, rapiécée en dedans comme au dehors. Tellement qu'à la fin, on n'y pouvait plus rien. Il fallait la laisser telle quelle, comme à l'abandon dans un champs envahi de lupins. Le bois pourrissait de partout en gondolant, les tuiles se détachaient une à une en tombant avec un bruit mat dans l'herbe haute. Quatre enfants couraient autour pour ramasser les éclats et tenter de les remettre en place. Mais ils étaient trop petits. Leurs bras ne se rendaient pas.

Ils se hissaient en se chamaillant pour regarder à travers les fenêtres, ils passaient la porte sur la pointe des pieds pour ne pas se prendre les cheveux dans les toiles d'araignées, ils dessinaient avec de la peinture fraîches les lignes qui manquaient à l'intérieur pour retrouver le chemin de la parole. Celle qui faisait défaut, qui s'enfuyait entre les lattes en crachotant, la parole qui aurait voulu dire précisément l'indicible, oui, mais surtout les centaines de "je t'aime" qu'il fallait pour survivre. Le silence était palpable quand la lumière baissait. Au milieu de la nuit, les peurs sortaient de sous les ombres, la solitude s'abattait comme un édredon trop lourd et trop chaud, les sueurs se mêlaient aux larmes. Au milieu de la nuit, la poussière remontait pour étouffer les cris.

Elle était en ruine. Envahie de courants d'air, grugée par les termites qu'on déteste trouver sous les tapis et derrière les meubles. Mais elle a tout de même tenu le coup tout ce temps. Je pense que c'est grâce à cette femme qui essayait de la retaper dès l'aube; elle en faisait le tour des dizaines de fois pour ne rien laisser au hasard. Elle entrait résolument pour réparer les brisures à la mesure de ses mains. À la mesure de son coeur. À la mesure de sa voix. Mais dès qu'elle ressortait en tenant un mioche sur son ventre, les trois autres collés aux basques, le vent se levait à nouveau et tout était à recommencer.

Alors ils ont accepté de la laisser comme ça. Rapiécée de partout mais debout, encore, accoudée à la maison. Aujourd'hui, 10 enfants courent autour en riant. Les lupins poussent toujours, et le vent charrie des histoires qu'il dépose sur les oreillers, la nuit venue.

7 commentaires:

Miléna a dit…

C'était le dernier. Après, j'arrête. Promis. Je suis on ne peut plus redondante. Ça doit être l'effet Lavalois.

Doparano a dit…

Non, n'arrête pas!

Mek a dit…

Le dernier quoi ? Anyway, je seconde Dopa.

McDoodle a dit…

Le dernier joint !
Dopé à raison... euh.. Dopa !

Gomeux a dit…

Je vais faire changement et commenter ta photo plutôt que ta plume.
Elle torche.
La photo.
Le texte itou, mais ça, jle dis plus, chuis redondant.

Si ça c'est l'effet lavallois, ben je déménage à Laval.
Euh, non.
J'arrête de rire de Laval.
Ouep.

Miléna a dit…

Doodle: t'es pas en camping telle notre barbu ami?

Gom' : j'aurais aimé la prendre de plus proche, mais elle était protégée par 3 chiens des enfers. Pas chanceuse question gardes canins. Elle est somptueuse, cette cabane. J'adore son toît. L'Ardente Fanny m'a demandé l'autre jour d'où venait ma passion pour les ruines. Je trouve juste ça émouvant, la décrépitude. Et je suis contente que tu commentes pas mon écriture parce que c'est pas ça mon but. Oh que non. Du tout du tout du tout du tout. Même que je préfère les commentaires saugrenus ou les histoires qui vous viennent en tête à des envolées de fleurs (même si ça me fait super plaisir, c'est sûr). C'est que j'écris pas pour ça, tsé?

Et j'arrêterai pas de rire de Laval. Non. Elle est surréelle, cette ville.

Fefille a dit…

... Laval surréelle ?! ah ouin ?

Chouette grange. Poétique oui. Les ruines ? toujours, tu dois être comme moi: un brin nostal'joe...