J'ai tout de suite vu ses ailes d'ange noir repliées sur le dos de sa robe. Ses épaules dans le halo des chandelles, effleurées par des mèches rousses que j'avais envie d'enrouler autour de mon cou. Je me suis assise près d'elle au bar et j'ai été séduite par le timbre de sa voix enfumée comme les relents d'un bûcher. On aurait dit des pierres ponces sur une peau sèche. Une éponge de mer. Des cailloux blancs minuscules, presque du sable. Je me suis demandée si elle sentait le bois. La tourbe des marais ou la paille des champs en automne. Elle avait de la suie sur les pupilles et sous les cils. Ça m'a aspirée.
Elle connaissait déjà mon nom. Elle m'a offert un kir et j'ai passé la soirée à remonter à la source de ses errances, à travers des mots qui trouvaient une intense résonance en moi. J'ai intuitivement reconnu cette aura de bohémienne vaporeuse, éprise de l'espace et du regard des gens. Celle vers qui tous les yeux se tournent parce qu'elle est un torrent insoupçonné et le croisement d'un chemin qu'on veut prendre. J'ai posé ma main sur son avant-bras pour voir défiler les images de notre histoire ancienne alors que notre histoire présente commençait tout juste à exister. Je la connaissais d'ailleurs, comme une soeur d'âme retrouvée malgré la distance et le temps, une flamme jumelle.
Depuis, elle fait brûler de la sauge pour éloigner mes cauchemars à distance. Nous parlons de la lune et de toutes les heures blanches, quand les rumeurs se dissipent et que la nuit devient refuge. De la poésie qui nous arrache au sommeil, des pans de cape qui nous entourent comme des îlots, de la beauté des larmes et des notes arrachées à nos soupirs. L'espace entre nos continents est un interstice par où passe la lumière d'un phare. C'est un néant habité par les souvenirs d'une nuit de grand vent et par toutes les certitudes qui débaptisent l'absence. Son nom est tracé à l'aiguille sur la peau tendre de mon poignet.
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