mercredi 11 septembre 2013

Te lire

Si tu n'arrives pas à me parler, écris-moi. Enfile ta veste de laine grise, celle à laquelle il manque deux boutons, prends un bloc de papier et installe-toi où tu veux. Sur ton divan préféré, au bar du coin devant une pinte de cidre, au restaurant le midi où très tard le soir sur ton bureau trop encombré, avec un verre de rouge. Baisse la lumière si tu as besoin de mieux voir à l'intérieur de toi qu'autour. Je ne sais pas si tu perçois que tes silences sont pires que tous les mots que tu pourrais me dire. Quand je n'arrive pas à saisir ce que tu me caches pour ne pas me faire de peine ou parce que tu as honte, ça me rend niaiseuse. Tu dis souvent que tu as peur de mes yeux. Que tu ne sais pas comment exprimer les choses au moment où elles arrivent alors tu gardes tout ça en dedans et tu deviens comme un enfant qui se tortille devant la visite. Parfois tu te mets même à mentir, je le sais, ça te fait des plaques roses sur les joues et tes yeux se barrent à l'ouest. C'est plus fort que moi, je te sens comme si j'étais enfouie dans le creux de ton nombril et que j'entendais tout ton corps être mal.

Tu pourrais me parler en silence, tranquille dans ton coin et prendre la peine de choisir tes mots. Quand je recevrais ta lettre, je saurais que tu as passé du temps avec moi et je ferais la même chose en l'ouvrant. Je déchirerais l'enveloppe et je m'assoirais sur le rebord de ma fenêtre ou, plus probablement, je la lirais debout dans les escaliers. Je pourrais la parcourir pour débouler jusqu'à la fin, tellement je serais impatiente, et la recommencer plus lentement. Et la relire plus tard pour vraiment te comprendre. Tu ne saurais pas quelle face je fais, si je me mordille la lèvre du haut, si je mange mes ongles ou si je pleure. Tu ne saurais pas non plus si je souris ou si je prends mon air de tendresse, celui qui fait que tu veux être proche de moi. Tu n'aurais pas besoin d'avoir peur de mes répliques ou que la discussion se prolonge trop tard dans la nuit. Tu pourrais juste être content d'avoir écrit ce que tu avais à dire et que tes mots soient entre mes mains. Moi je pourrais t'écouter et prendre le temps de choisir entre les bons mots ou le silence.

Tu vois, si tu m'écrivais, je pourrais mieux te lire.

5 commentaires:

Doparano a dit…

Maudit que j'aimerais qu'il m'écrive...j'aimerais pouvoir lui écrire de le faire. J'aimerais tellement lire ses mots, le comprendre... comprendre.

Gomeux a dit…

Beau.

piedssurterre a dit…

Gomeux l'a déjà écrit.
C'est si beau, si simple, que ça me serre la gorge, ce texte.

Miléna a dit…

@Dopa: Écris-lui. Au moins tu auras essayé.
@Françoise: Merci. Je me sens un peu rouillée. Mais ça va passer, j'imagine. :)

piedssurterre a dit…

Rouillée ?? Je ne crois pas. Il faut parfois se laisser du temps pour reprendre du souffle...
Cette pause que tu t'es accordée et ton retour ici, ce que tu nous offres avec ces textes pleins de sensibilité, je le reçois personnellement comme un vrai cadeau. C'est étrange, comme une sagesse ancienne qui émane de tes textes, ce ton, cette simplicité et cette si jolie musique qui est tienne, je suis heureuse de les retrouver.