mercredi 5 mars 2008

La parole à Marius

Il y a quelque temps, Marius et moi avons décidé de nous lancer un défi. Une sorte d'exercice qui mettrait en jeu les mots que nous trouverions pour parler l'un de l'autre. Ce matin, j'avais son texte dans ma boîte de courriel. Je ne peux résister à la tentation de le mettre en ligne, comme je le rangerais précieusement dans une boîte que j'ouvrirais de temps à autre pour revoir qui je suis. Avec ces mots puisés aux tréfonds de son ventre et de notre histoire, Marius me fait une offrande dont il ne peut mesurer l'importance. Je l'ai lu plusieurs fois les larmes dans la gorge, le coeur en explosion. Je veux que vous le lisiez aussi non pas parce qu'il parle de moi, mais parce que c'est un texte qui trouve naturellement sa place ici. J'ai envie d'exposer son talent pour les images et la force de ses mots. Et partager avec vous un cadeau inestimable.

"Je l'ai revue par hasard, assise tout au bout des rangs de livres trop serrés de sa librairie rue St-Joseph. Avec mes doigts je mesure encore l'épaisseur du jour : elle avait la boucle facile et la joue qui suait un rouge presque parfait ; et elle riait sans le savoir pour moi qui la retrouvait belle comme la bergère de Grimault ou une lionne oubliée par Delacroix (et je sais que je l'exaspère déjà). Nos retrouvailles devaient être lumineuses. Tout ce que je peux en dire aujourd'hui tient dans le souvenir d'avoir voulu me coucher dans l'herbe à côté d'elle. Et puis ce jour-là la rue du quartier St-Rock a changé, elle est devenue rue Miléna. Rue Miléna on ne fait plus le tapin, on écoute plutôt la rumeur parler d'elle.

Elle est d'une autre trempe. C'est sans doute parce qu'elle a touché il y a longtemps aux bouts tordus des phrases. Elle pourrait vivre dans la marge mais elle a choisi d'être la reine de la Mare aux coquines. Ah oui ! c'est la Miss Swann des temps nouveaux et elle n'y peut rien : elle flotte le cul et la petite plume au vent, la tête au dessus du tintamarre. Je sais que c'est son âme trop sensible qui la soulève ainsi. Ou peut-être aussi son coeur, gros poulpe infatigable, qui s'étale fièrement sur nos vies comme sur une plage de galets gris. Je sais aussi qu'il n'y a pas de plus bel endroit que cette berge pour voir mes élans grandir. Dans un monde "envahi de tant de muselières", je peux lui dire je t'aime à en vomir, ma voix trouve toujours son écho et je vibre enfin.

Elle sait mieux que quiconque se compromettre. À tous ceux qui se cachent ou s'excusent derrière leur égo elle dit fada. C'est ma guerrière du je-suis-comme-je-suis, ma panoplie de nouveau marié devant le monde, mon voilà-comment-répondre-à-l'absurde-du-fake-et-du-dérisoire. Si elle avait cru en Dieu et s'il existait, ce serait sans doute une Jeanne new mode soulevant nos vies monotones. C'est une image de la révolte qui n'a jamais appris à cracher, c'est mon amie qui a compris il y a longtemps ce que les autres qui pataugent ne comprendront jamais.

Je ne lui connais pas de malice. Ses défauts sont des rictus que je mange en après-midi comme de la barbe-à-papa. Elle ne le croira jamais mais j'aime dormir avec elle. Sa poitrine est un drap blanc sur lequel j'ai déjà perdu mon envie d'être con, et je me suis levé au matin avec le goût du coton qui n'en finissait plus de se raconter autrement. Pas de doute l'odeur du café St-Olivier s'étiole et s'ouvre comme autant de canines dans la bouche des enfants qui demandent à manger.

Elle a le teint qui force l'été à changer de saison. Fallait-il que sa joue soit plus creuse que ma bonté, jamais a-t-on vu plus bel hospice pour un baiser. Sa bouclitude perpétuelle s'arrange pour mettre à mal tous les hommes sur son planning. C'est une foolish des hauteurs, une beauté qui ne se remarque que lorsqu'on est assez grand pour y voir. Et puis là-haut, misère, ça étourdis. Elle a des cuisses faites pour casser des noix, gare à toi pauvre ami qui veut enjamber l'atmosphère... ici c'est du sérieux, pas de couillon au bataillon. Faut se tenir devant une dame, pauvre ami. Tu la croyais moqueuse et coquine et tu pleures de la voir dans mon émoi : elle est trop justement faite pour aimer comme on n'aime pas.

Elle n'a jamais voulu apprendre dans la hâte du jugement. Elle s'ouvre, s'ouvre, comme si la coquille d'une huitre ça ne pouvait pas se détacher. Sa gueule minette est mon plus fidèle public lorsque je sors la mauvaise blague ou lorsque j'élève mes historiettes de Faduche à la hauteur du drame. Ses yeux me tirent à nouveau sur le pavé, dans l'écriture ou dans la voix, et j'ai trouvé chez elle la clé d'une nouvelle demeure. Elle est ma plus grande amie."

6 commentaires:

cdn a dit…

woow y t'aime beaucoup ton ami, c'est touchant.
ce qui me rappelle... on veut tous une amie comme toi.

Anonyme a dit…

Woah! Je t'envie ton Marius et je seconde ses mots : tu es une dame fabuleuse, un être magistral, une merveilleuse amie!

xx

Doparano a dit…

Si j'avais un Marius dans ma vie qui me disait d'aussi belles choses... je crois que je l'épouserait, mais c'est moi ça. Je suis une fan finie des compliments en mon endroit, surtout lorsqu'ils sont aussi bien ficelés.

T'as de la chance ma puce d'être aimée ainsi de ton meilleur ami.

Miléna a dit…

Doparano: n'est-ce pas? C'est comme dans un roman, tout ça. J'adore ce jeu. L'idée, c'est qu'on sait que l'autre nous aime puisqu'il est là depuis longtemps. Mais prendre le temps d'essayer de le dire en enrobant, c'est euh... euphorisant, pour les deux. Il était content de faire l'exercice, moi, je suis contente de le lire et j'ai hâte d'écrire le sien. Bref, on s'amuse, quoi.

Mais je ne lui demanderai pas de m'épouser. Ça serait trop weird...:0)

Miléna a dit…

Mais en fait, il a tout de même un peu failli au règlement initial. Il devait dire mes défauts, aussi. Et il trouve le moyen de les comparer à de la barbe-à-papa. Il est trop bon pour moi...

Mercurius Mendax a dit…

bravo Marius et bravo sa Muse